Le portrait du Che fait débat
Polémique. Réactions après un article de «Marianne» niant la paternité du cliché à Korda.
Vincent Noce
QUOTIDIEN : jeudi 31 janvier 2008
Artistes et spécialistes venus de Cuba et des Etats-Unis à Montréal pour le vernissage d’une exposition de référence sur l’histoire de l’art à Cuba, s’indignent d’un article de Marianne affirmant, six ans après sa mort, qu’Alberto Korda n’était pas l’auteur de la photo légendaire du Che. Cette image prise en 1960 lors d’un meeting à La Havane, après l’explosion d’un cargo d’armes attribuée à la CIA, a été vendue dans le monde sept ans plus tard par l’éditeur italien Feltrinelli, suite à la mort tragique du Che en Bolivie.
Planche. Dans son numéro du 20 octobre 2007, Mariannesoutient un certain Juan Vives, qui se pose comme le vrai auteur d’une photo qu’il aurait confiée à Feltrinelli lors de sa venue en 1967. Lequel aurait demandé à Korda de la retoucher. Il aurait même adressé une lettre d’excuses à Vives pour se l’être appropriée.
On se demande pourquoi Korda aurait agi ainsi, puisqu’il n’a ni touché ni revendiqué un centime, avant de commencer à récupérer ses droits, une vingtaine d’années plus tard, lors d’un procès contre Swatch puis contre Smirnoff. Dont il a versé le montant à un hôpital pour enfants de l’île. A l’expo de Montréal, on trouve un petit document : la planche contact du film de Korda du 4 mars 1960, sur laquelle, à côté de la photo de Fidel publiée le lendemain en une de son journal, Revolución, figure la fameuse photo du Che, recadrée au crayon rouge par l’auteur. «La photo, déjà recadrée, a été tirée le jour même, parmi celles proposées au journal, ce qui exclut toute possibilité de manipulation», indique un galeriste de Los Angeles, Darrel Couturier.
Ange. Rufino del Valle, de la photothèque de La Havane, s’indigne : «Cette photo a été publiée deux fois dès 1961 par Revolución (1)», ce qui contredit totalement le récit de Marianne. Vives a été qualifié d’«affabulateur» par Pierre Kalfon, auteur d’une biographie du Che.
Ce que Marianne ne dit pas, c’est que son seul «témoin» a publié des ouvrages, en collaboration avec le signataire de l’article, prétendant que, agent secret, il aurait été surnommé «l’ange exterminateur» pour avoir exécuté des opposants en nombre, qu’Allende aurait été tué par un agent cubain, ou encore que l’armée cubaine aurait organisé l’exode forcé de milliers d’enfants du Sahara-Occidental pour les livrer à la prostitution ! Quant à la prétendue lettre d’excuses de Korda, malheureusement il l’aurait jetée.
«La photographie, déplore Jeff Rosenheim, conservateur au Met de New York, se prête à ces ragots. On a raconté que la célèbre photo, de Capa, du brigadiste tué lors de la guerre civile en Espagne, avait été montée, ou prise par sa petite amie. Richard Whelan, qui a fait cinquante ans de recherches, a démontré que c’était entièrement faux… Et la semaine dernière, la rumeur était encore en une du New York Times. Jamais, la puissance des images n’a été aussi forte. Mais jamais, les procédés n’ont autant permis de manipuler la photographie. Sa vérité documentaire s’évanouit».
(1) Paris Match a publié une copie du journal.
jeudi 31 janvier 2008
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