mardi 12 décembre 2006

Chapeaux Bas: il fallait le faire



Des gens que nous aimons

http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0@2-3242,36-844730@51-628864,0.html



Lionel Daudet et Emmanuel Cauchy ont vaincu le mont Ross

Lionel Daudet et Emmanuel Cauchy ont réussi, samedi 9 décembre, la première traversée du Petit au Grand Ross, point culminant des îles Kerguelen (1 850 mètres), concluant avec succès leur expédition médico-alpine dans les Terres australes et antarctiques françaises (TAAF).

Partis pour une simple reconnaissance, l'alpiniste et le médecin ont profité d'une pause inespérée dans les tempêtes qui frappent sans répit les Kerguelen. Au terme de trente heures d'efforts, ils ont réussi cette traversée très délicate.



Il y a quelques mois, un hélicoptère des TAAF avait pu survoler le sommet et filmer cette arête vierge. Les alpinistes avaient écarquillé les yeux sur les images : un chemin givré pour funambules qui ne ressemble à rien de connu. Le mont Ross n'est pas très élevé, mais cet ancien volcan ruiniforme est bien défendu par les vents humides et cinglants des 50es hurlants : il a été gravi pour la première fois, en 1975, par Jean Afanassieff et Patrick Cordier. C'était le dernier sommet français vierge, il n'a été répété qu'une fois, en 2001.

Emmanuel Cauchy, alias "docteur Vertical", conduisait une expérience de télémédecine pour l'institut de médecine de montagne qu'il vient de créer à Chamonix, l'Ifremmont. Lui qui ne pensait faire que de courtes incursions en montagne s'offre ainsi, à 46 ans, une belle première.

Convoyée depuis La Réunion par le Marion-Dufresne, l'expédition était arrivée à pied d'oeuvre il y a trois semaines. Le 23 novembre, Lionel Daudet, Philippe Pellet et Sébastien Froissac, tous trois guides à L'Argentière-la-Bessée (Hautes-Alpes), avaient ouvert une voie directe au mont Ross, mais s'étaient cassé les dents sur la traversée de la délicate arête.

Joint par téléphone satellite lors d'une "escale" au camp de base, "Dod" avait décrit avec enthousiasme son incursion dans un monde étrange. La cordée avait brassé six heures dans la neige lourde jusqu'au pied de la face, puis trouvé une goulotte offrant une "directe" vers le sommet, du bel alpinisme classique.

Ils avaient atteint l'arête faîtière vers 15 heures, dans un paysage que Daudet disait "merveilleux". "La roche volcanique a des formes très déchiquetées. Il y a des tours hautes de 10 à 50 mètres, parfois surplombantes, qui ressemblent à des champignons hérissés de formations de givre, comme des milliers de plumes d'oiseaux." Descendant en rappel, les alpinistes avaient cherché en vain un chemin dans ce labyrinthe. Ils avaient vu la montagne rougeoyer dans le couchant et installé un bivouac vers 23 heures. Dans la nuit, le vent était revenu en force, il ne restait plus qu'à regagner le camp de base.

Lionel Daudet, 38 ans, pratique depuis vingt ans un alpinisme au long cours, exigeant et original. En 2003, engagé dans une tentative de trilogie solitaire et hivernale, il était resté bloqué pendant neuf jours dans la face nord du Cervin et s'était gelé les pieds. L'hiver dernier, malgré l'amputation de huit de ses orteils, il a repris puis abandonné ce grand projet et renoncé aux grandes ascensions solitaires.

Pour réussir cette moisson australe, les quatre alpinistes auront bravé une météo "très rude" et vécu "comme des poules mouillées sortant du congélateur". Depuis une dizaine de jours, les vents étaient remontés jusqu'à 80 à 100 km/h et le groupe était descendu au bord de la mer - "pour dire bonjour aux pingouins et pêcher la truite", commentait le docteur Cauchy. La dernière prise, une belle arête, aura été la bonne.



Charlie Buffet

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